Eneo Aujourd’hui : Des Réponses du DG…

Après la démission de M. Nana Kontchou, alors qu’on se serait attendu à avoir un autre camerounais, pourquoi un expatrié ?
Il faut noter la volonté d’Actis de mettre à la disposition d’Eneo Cameroon un profil expérimenté dans le cœur de métier. Eric MANSUY a occupé plusieurs postes de direction dans des services publics d’électricité en Europe de l’Est (aux postes de Président et Directeur Général), et bénéficie d’une riche expérience professionnelle en Afrique. Il apporte plus de 30 ans d’expérience dans le transport et la distribution de l’électricité, qui contribueront à améliorer les performances d’Eneo, tout en accroissant la satisfaction de la clientèle.

On note ces dernières semaines une recrudescence des coupures répétées et plus ou moins prolongées. Que se passe-t-il ? Quand va-t-on observer un retour complet à la normale ?
Plusieurs raisons sont à l’origine de cette conjoncture pour laquelle nous exprimons tous nos regrets à nos clients.
D’abord, il y a la situation financière dégradée de l’entreprise. Le secteur de l’électricité en général connaît une crise aigüe de liquidités. Pour Eneo, il s’agit de sérieuses tensions de trésorerie, dues à d’énormes impayés, qui nous empêchent d’honorer tous nos engagements vis-à-vis de nos fournisseurs. La conséquence la plus visible se traduit par les difficultés rencontrées dans l’approvisionnement quotidien en fuel de nos centrales thermiques, entrainant des délestages sporadiques dommageables pour notre clientèle, et plus globalement pour l’économie du pays.
Nous travaillons d’arrache-pied avec le Gouvernement et tous les acteurs du secteur pour trouver des solutions idoines.
Il y a ensuite la rareté des poteaux bois pour les dépannages. Avec la situation sécuritaire dans le Nord-Ouest, d’où nous tirions toute notre matière première, la production des poteaux a baissé de plus de 90%. Eneo a saisi les pouvoirs publics, à travers le Ministère en charge des forêts, qui a donné son accord de principe pour l’exploitation durable de certaines réserves d’eucalyptus à l’Ouest. En attendant l’aboutissement de cette option, l’entreprise est en train de déployer sa stratégie de mix poteaux qui consiste à réintroduire les poteaux en béton et métalliques aux côtés des poteaux bois. Dans ce sens, nous avons engagé (et accompagnons) six entreprises locales pour la fabrication de poteaux en béton en vue de renforcer et sécuriser le réseau électrique.

Le service électrique connait des perturbations, les clients d’Eneo n’ont pas d’énergie mais, il arrive très souvent qu’à la fin du mois on leur présente encore des factures comme en période normale. Qu’est-ce qui explique cela ?
Nous réitérons nos regrets pour les fâcheuses perturbations que subissent nos clients. Nous souhaitons que la question de l’équilibre financier du secteur soit résolue afin de contribuer à améliorer le service. La situation actuelle du service est d’autant plus regrettable qu’elle intervient après plusieurs efforts considérables déployés ces dernières années pour améliorer la qualité du réseau de distribution, tant en zone urbaine qu’en zone rurale.
Pour ce qui est de la facturation, il est important de préciser qu’une facture ne comptabilise que ce que le client a effectivement consommé. Quand vous n’êtes pas alimenté, votre compteur ne tourne pas. Il peut arriver qu’un client estime que ses consommations sont trop élevées. Dans ce cas, comme le prévoit le Règlement de service, il devra saisir Eneo via son agence de rattachement ou sur nos plateformes numériques (MyEasylight, Twitter, Facebook, notamment).
Par ailleurs, nous avons multiplié les réformes procédurales, organisationnelles et technologiques pour permettre la facturation la plus fidèle possible. C’est ainsi que les compteurs intelligents sont introduits dans le réseau, par exemple. Malgré ces efforts, nous reconnaissons qu’il peut avoir des problèmes chez certains clients. Nous les gérons au cas par cas, et continuons de tirer les leçons pour améliorer nos système et processus.
Il faut dans le même temps dire que l’une des raisons pour lesquelles nous avons introduit la solution prépayée est de progressivement se défaire de la facturation. Non seulement, le client ne stresse plus dans l’attente d’une facture, mais en plus il est autonome, change ses habitudes et prend le contrôle de ses consommations, qu’il peut gérer de manière efficiente en activant quand il le faut le levier économie d’énergie.

Les coupures provoquent des pertes énormes notamment dans les ménages avec des denrées qui périssent faute de pouvoir être bien conservés. Eneo ne devrait-elle pas compenser les clients pour ce préjudice ? Quelle est votre part de responsabilité dans ces situations ?
Les clients qui sollicitent un dédommagement ont la possibilité de saisir les services d’Eneo suivant les procédures du Règlement de service. Encore une fois, nous regrettons les désagréments que connaissent des clients du fait des perturbations et nous travaillons avec les autres acteurs pour améliorer cette situation.

Les délais de branchement ne sont pas souvent respectés. Les clients se plaignent d’être mal accueillis. Que fait Eneo ?
Chaque fois que les clients se plaignent, nous sommes interpellés. La courbe des délais moyens d’exécution des branchements après payement des devis a connu une évolution satisfaisante ces dernières années. De 20 jours à 5 en moyenne. C’est grâce à des réformes (baisse du coût de l’abonnement, simplification des procédures…)
Malheureusement, du fait des problèmes d’approvisionnement en poteaux, il est de plus en plus difficile de réaliser dans les délais les branchements qui nécessitent des poteaux. Comme nous l’avons dit par ailleurs, nous travaillons avec les pouvoirs publics pour lever la contrainte de ces approvisionnements.

Quelle est la situation des impayés d’Eneo ?
Qu’il s’agisse des dettes des gros clients vis-à-vis d’Eneo ou de celles d’Eneo vis-à-vis de ses partenaires, les montants sont importants.
Eneo travaille avec les pouvoirs publics, le régulateur, et ses gros clients et partenaires pour trouver des compromis, en vue d’un retour à la normale dans les meilleurs délais. En attendant, la situation impose un rationnement des ressources disponibles à tous les niveaux.
Depuis janvier 2019, un nouvel acteur est en charge du segment Transport de l’Electricité. Les limites de fonctionnement ont-elles déjà été définies, pour minimiser d’éventuels impacts négatifs sur les clients ?
Avec le lancement du processus de transfert des activités de Transport de l’énergie, un nouvel acteur du secteur est entré en scène : la Société Nationale de Transport de l’Electricité (SONATREL), aux côtés d’autres comme l’AER, l’ARSEL, EDC, DPDC, KPDC, etc. Chaque acteur a un rôle bien défini, comme des maillons d’une même chaîne. Une bonne coordination et régulation entre tous les acteurs et un équilibre financier solide sont indispensables pour minimiser l’impact des contraintes sur la qualité de service en général. Nous travaillons avec tous les protagonistes, non seulement pour mettre en place cette synergie, mais aussi pour rétablir l’équilibre financier du secteur.

On a plusieurs fois entendu parler du plan de développement du secteur de l’électricité. Concrètement, quel rôle y joue Eneo ?
Le programme de transformation en cours d’Eneo s’insère dans ce plan dont la tutelle a la charge. Eneo a réalisé des investissements de 30 milliards en moyenne sur les cinq dernières années, malgré un contexte socioéconomique et financier particulièrement difficile. Le service électrique n’a pas encore atteint le niveau souhaité par les clients, mais des progrès sont enregistrés, globalement, tant pour ce qui est de l’accès à l’électricité, qui connait une croissance de 56 à environ 65% en 5 ans, que pour la qualité de service.
Aussi, depuis 2014, nous avons jeté toutes les bases de cette transformation avec la consolidation de notre démarche éthique, le rajeunissement des effectifs, l’autonomisation et la responsabilisation de plus de femmes, une organisation décentralisée pour plus de proximité avec les clients, l’utilisation des nouvelles technologies pour améliorer la qualité du réseau, une nouvelle stratégie de poteaux, la modernisation progressive des installations.

 On a souvent entendu dire que le barrage de Songloulou présentait de sérieux risques. Quelle est réellement la situation ?
Le barrage de Songloulou est le principal aménagement hydroélectrique du Cameroun avec une puissance installée de 384 mégawatts. Il est stable selon les résultats des dernières expertises menées sur l’ouvrage par des entreprises spécialisées entre 2018 et 2019. Le barrage assume pleinement sa fonction avec un taux de disponibilité de 99% quand il n’est pas sujet à des travaux, et de 91% quand des travaux de maintenance s’y déroulent. Pour sécuriser davantage l’ouvrage et même lui donner une nouvelle jeunesse pour 30 ans de vie supplémentaire, le barrage est sous réhabilitation depuis 3 ans suivant les engagements pris par Eneo auprès du Gouvernement. La première phase de ce chantier de réhabilitation devrait s’achever en 2020 si toutes les conditions sont réunies.

Quel est le niveau d’investissements fait par Eneo ces 5 dernières années ? Et que projette-t-elle ?
En moyenne, Eneo a engagé chaque année environ 30 milliards pour des investissements dans les ouvrages de production, le réseau de transport (jusqu’en 2018) et le réseau de distribution. Ce dernier segment concentre plus de la moitié de ces investissements, ce qui a permis de réduire de 45% la durée des coupures dues à l’état du réseau de distribution.
L’entreprise reste totalement engagée pour poursuivre le processus en cours de sa transformation, et surtout pour contribuer efficacement, aux côtés des autres acteurs, à l’atteinte des objectifs fixés par le Gouvernement pour le développement du secteur de l’électricité.

Comment comprendre qu’Eneo n’arrive pas à payer ses fournisseurs au moment où son bilan établit un bénéfice de plus de 11 milliards en 2018 ?
Le bilan établit effectivement un bénéfice. Mais, il s’agit d’un résultat comptable. La trésorerie, quant à elle, demeure très tendue. Ceci se traduit par un problème de cash-flow du fait des impayés que cumulent certains de nos grands clients, principalement.

Nous avons entendu dire qu’il y aura des licenciements. Est-ce vrai ?
Non, il n’y aura pas de licenciement. Nous allons regarder de très près la gestion des ressources humaines, et plutôt procéder à un redéploiement qui tienne compte des enjeux de l’entreprise. On peut citer, entre autres, le rajeunissement du personnel avec les nombreux départs à la retraite, la diversité, la responsabilisation des femmes, etc.